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Le Blog de Voltaire

Le hasard seul a produit presque toutes les grandes inventions

On avait inventé la boussole, l’imprimerie, la gravure des estampes, la peinture à l’huile, les glaces, l’art de rendre en quelque façon la vue aux vieillards par les lunettes qu’on appelle bésicles, la poudre à canon, etc. On avait cherché, trouvé et conquis un monde nouveau. Qui ne croirait que ces sublimes découvertes eussent été faites par les grands philosophes, et dans des temps bien plus éclairés que le nôtre ? Point du tout : c’est dans le temps de la plus stupide barbarie que ces grands changements ont été faits sur la terre ; le hasard seul a produit presque toutes ces inventions.

Il y a même bien de l’apparence que ce qu’on appelle hasard a eu grande part dans la découverte de l’Amérique ; du moins a-t-on toujours cru que Christophe Colomb n’entreprit son voyage que sur la foi d’un capitaine de vaisseau qu’une tempête avait jeté jusqu’à la hauteur des îles Caraïbes.
Quoi qu’il en soit, les hommes savaient aller au bout du monde, ils savaient détruire des villes avec un tonnerre artificiel plus terrible que le tonnerre véritable ; mais ils ne connaissaient pas la circulation du sang, la pesanteur de l’air, les lois du mouvement, la lumière, le nombre de nos planètes, etc.
Les inventions les plus étonnantes et les plus utiles ne sont pas celles qui font le plus honneur à l’esprit humain. C’est à un instinct mécanique qui est chez la plupart des hommes que nous devons tous les arts, et nullement à la saine philosophie.
La découverte du feu, l’art de faire du pain, de fondre et de préparer les métaux, de bâtir des maisons, l’invention de la navette, sont d’une tout autre nécessité que l’imprimerie et la boussole ; cependant ces arts furent inventés par des hommes encore sauvages.

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